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Quel avenir pour l’Open Rotor ?

Innovation

Découvrez l’article de Stéphane Cueille, Directeur Groupe R&T et Innovation, à propos de l’Open Rotor publié sur son compte LinkedIn le 25 mars 2019. Bonne lecture !

Le 14 mars dernier se tenait à Washington D.C les « Aviation Weeks Laureates » qui récompensent depuis plus de six décennies les grands acteurs et des projets emblématiques dans les domaines de l'Aviation, de la Défense et de l'Espace. A cette occasion, l’Open Rotor que nous développons au sein de Safran a été récompensé dans la catégorie Propulsion . Une fierté pour le Groupe bien sûr et aussi une façon de valoriser le travail de tous sur ce projet phare qui fait beaucoup parler de lui depuis deux ans.

C’est en effet en mai 2017 que nous testions pour la première fois au banc une nouvelle configuration de moteur d’avion dite « Open Rotor », caractérisée par la présence de deux hélices contrarotatives et l’absence d'inverseurs de poussée. En rupture totale avec les turboréacteurs qui équipent les appareils monocouloirs actuellement en service, cette architecture vise à réduire la consommation de carburant et les rejets de CO2 du transport aérien. Aujourd’hui, qu’en est-il ?

Quelles sont les conséquences à tirer de ces tests pour les futures architectures moteur ? La voie de l’Open Rotor est-elle désormais toute tracée ?

Tout d’abord, replaçons les choses dans leur contexte. Dans une industrie aux cycles longs comme l’aéronautique, marquée par une complexité technique extrême et des normes de sécurité sans compromis, les ruptures technologiques se préparent plusieurs dizaines d’années à l’avance et mobilisent de nombreux acteurs : avionneurs, motoristes, laboratoires de recherche… C’est le cas de l’architecture Open Rotor, qui est l’une des pistes explorées par les industriels pour équiper les prochaines générations d’avions monocouloirs à l’horizon 2030. Elle fait l’objet de recherches approfondies, menées depuis 10 ans au sein du projet européen Clean Sky.

Pourquoi se lancer dans une nouvelle architecture, alors que les moteurs actuels ont déjà fait tant de progrès ? Sur le marché des avions de plus de 100 places par exemple, un gain de 15 % de consommation de carburant sépare le CFM56*, dont les premiers exemplaires ont été produits il y a 40 ans, du nouveau moteur LEAP* qui lui succède sur les Airbus A320neo, les Boeing 737 MAX et bientôt les Comac C919. Conséquence directe : les émissions de CO2 ont également chuté.

Se pose alors la question suivante : ces 15 % peuvent-ils être reconduits sur les prochaines générations de moteurs en conservant une architecture classique comme celle du LEAP ? Compliqué avec des moteurs conventionnels ! D’où les recherches menées pour identifier de nouvelles configurations plus performantes, parmi lesquelles l’Open Rotor.

Si cette solution semble la plus prometteuse pour atteindre les 15 % visés, c’est aussi la plus complexe sur le plan technologique.

En termes de structure, avec son doublet d’hélices contrarotatives positionnées l’une derrière l’autre. En termes d’acoustique, puisqu’aucune nacelle ne viendra atténuer le bruit émis par la rotation des pales. En termes d’intégration sur l’avion, car les moteurs Open Rotor auront un diamètre plus de deux fois supérieur à celui des turboréacteurs actuels (soit près de 4,50 m). En termes de certification enfin, du seul fait de la nouveauté de l’architecture. De nombreuses études ont été réalisées dans tous ces domaines, avant l’étape ultime qu’a représentée la campagne d’essais effectuée sur un démonstrateur au banc d’essais Safran d’Istres.

À ce stade, l’objectif était de démontrer la capacité de concevoir et de faire fonctionner cette nouvelle architecture et de mesurer la performance de l'Open Rotor en termes de consommation ou d'émissions.

Plus de 70 heures de rotation ont pu être cumulées et nous avons couvert toute la gamme de puissance depuis le ralenti jusqu’au plein gaz, et même l’inversion de poussée. Une belle étape de franchie et nous sommes fiers, en tant que maître d’œuvre du projet, d’avoir réussi cette première. Bien sûr, un long chemin reste à parcourir et le travail doit continuer. Et même si le concept d’architecture de l’Open Rotor n’est pas adopté en l’état à l’avenir, investir et travailler sur ce programme permet de développer des briques technologiques essentielles qui serviront dans le futur.

De plus, compte tenu des défis évoqués plus haut, nous ne pouvons négliger d’autres options intéressantes.

C’est pourquoi, parallèlement à l’Open Rotor, nous explorons des pistes alternatives, parmi lesquelles des architectures conventionnelles au diamètre de soufflante agrandi. En augmentant ce dernier, on permet en effet un accroissement du taux de dilution, c’est-à-dire du rapport entre le flux d’air qui est accéléré (c’est celui qui contourne le cœur du moteur et ne subit aucune combustion) et le flux d’air qui passe dans le cœur du moteur et sert à la combustion. Or, plus le taux de dilution est élevé, plus le rendement thermopropulsif du moteur est important et sa consommation de carburant réduite.

Un turboréacteur au taux de dilution accru permettrait de réduire la consommation de carburant de 5 à 10 %, ce qui n'est pas négligeable. Ceci en gardant en tête qu’un moteur au diamètre plus important est plus difficile à intégrer sous l’aile d’un avion et est aussi plus lourd, ce qui oblige à allonger le train d’atterrissage et à renforcer les structures globales de l’avion. Des éléments importants lorsque l’on veut mesurer la performance globale du moteur.

Cela étant dit, c’est une option parfaitement crédible et à laquelle nous consacrons également beaucoup d’efforts. Des efforts qui visent à répondre à l’une de nos missions de toujours : apporter au marché la meilleure réponse pour les systèmes propulsifs des avions qui voleront demain ou après-demain.

Comme je le disais plus haut, dans notre industrie aux cycles longs, nous nous devons de réfléchir très en amont à ces différentes possibilités. Cette nécessaire projection vers un futur, qui peut paraître lointain, fait notre quotidien et fait aussi de l’aéronautique un secteur si passionnant !

La démonstration de l’Open Rotor montre bien toute l’importance de programmes de recherche européens tels que Clean Sky qui permettent aux industriels d’explorer des technologies risquées. Sans Clean Sky, et nos partenaires, ce démonstrateur n’aurait pas été possible, et l’Open Rotor resterait une idée théorique, alors que maintenant nous savons que c’est une vraie option possible pour le futur, avec ses challenges, mais techniquement faisable.

C’est pourquoi notre Award reçu à Washington est à partager avec tous nos partenaires publics et privés de Clean Sky !

Retrouvez l’article sur le compte Linkedin de Stéphane Cueille

 

* CFM International, société commune 50/50 entre Safran Aircraft Engines et GE, développe, produit et commercialise les moteurs CFM56® et leurs successeurs, les moteurs LEAP®.