L’avion plus électrique : une affaire de sauts technologiques
Découvrez l’article de Stéphane Cueille, Directeur Groupe R&T et Innovation, à propos de l’avion plus électrique, publié sur son compte LinkedIn le 15 janvier 2019*. Bonne lecture !
Le sujet de l’avion plus électrique n’est pas nouveau et fait parler de lui depuis un certain temps. Si longtemps même qu’on en viendrait presque à croire que l’avion tout électrique est pour demain, là tout proche. Or, si l’avion plus électrique est aujourd’hui une réalité, des innovations-clés - parfois spectaculaires, ont vu le jour et continuent d’émerger régulièrement au cœur de notre écosystème, il reste du chemin à parcourir avant de voir voler un avion commercial tout électrique.Sur ce chemin, des sauts technologiques passionnants restent à réaliser.
Bien qu’il ne représente que 2 % des émissions mondiales de CO2, le trafic aérien cherche en permanence à réduire son empreinte environnementale. Ainsi, les objectifs de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI) sont d’atteindre une croissance neutre en carbone à partir de 2020 pour en arriver, en 2050, à une réduction de 50 % des émissions de carbone par rapport aux niveaux de 2005. Et ce, malgré l’augmentation continue et soutenue du trafic. Il apparaît de plus en plus évident que les progrès réalisés sur les architectures des moteurs et des avions sont nécessaires mais ne suffiront pas pour atteindre ces objectifs. D’où l’intérêt croissant pour l’électrification, qui présente l’avantage de réduire la dépendance aux énergies fossiles.
Que faut-il électrifier ?
À bord d’un avion, on distingue deux grandes familles de consommateurs d’énergie :
- la propulsion, assurée par le kérosène des moteurs,
- les fonctions non propulsives (pressurisation, dégivrage, démarrage des moteurs, commandes de vol, actionnement des trains d’atterrissage, etc.) qui font appel à des circuits mécaniques, hydrauliques ou pneumatiques. Tous ces systèmes peuvent être électrifiés… à des degrés divers nécessitant de relever des défis technologiques plus ou moins ardus.
En ce qui concerne ces dernières, la première piste explorée a concerné l’électrification des fonctions non propulsives. Un domaine dans lequel Safran a été pionnier, en mettant au point il y a une dizaine d’années le premier système d’actionnement électrique pour inverseurs de poussée. D’autres applications ont suivi : freins, trains d’atterrissage, commandes de vol… D’autres équipements ont également évolué, je pense notamment à l’eAPU, le nouveau groupe auxiliaire de puissance de Safran Power Units, conçu pour répondre aux exigences des nouvelles générations d'avions, d'hélicoptères et d'UAV aux architectures « plus et tout électriques ».
Pour accompagner l’évolution vers des architectures avion ou hélicoptère de plus en plus électriques, nous poursuivons le développement de nouveaux équipements et systèmes électriques tels le système de roulage électrique développé par Safran et Airbus qui devrait bientôt permettre à la famille des Airbus A320 de se déplacer au sol sans utiliser leurs moteurs principaux. Ou la pile à combustible, permettant de générer de l’énergie électrique à partir d’hydrogène, qui pourra répondre à une partie des besoins de puissance des avions plus électriques.
Pour ce qui est de l’électrification des fonctions propulsives, il convient d’être réaliste. À court et moyen termes, en l’état actuel des technologies, la propulsion 100 % électrique n'est pas envisageable pour les avions commerciaux de grande taille car elle entraînerait un surpoids lié aux batteries et aux câblages.
Les systèmes de propulsion hybrides
De cet état de fait émerge la seconde piste à explorer : l’hybridation de la fonction propulsive, c’est-à-dire son électrification partielle.
Plusieurs acteurs sont déjà dans la course. Notamment Airbus, avec le démonstrateur E-Fan X pour avions régionaux, ou la startup Zunum Aero, soutenue par Boeing, qui vise des avions de 6 à 12 places.
On voit aussi émerger un marché plus ciblé : celui des véhicules à décollage et atterrissage verticaux, ou VTOL (Vertical Take-Off and Landing aircraft), et celui des avions à décollage et atterrissage courts ou STOL (Short Take-Off and Landing aircraft). Ces appareils se destinent au transport urbain et péri-urbain d’un nombre réduit de passagers, de 2 à 4 pour des missions de taxi aérien, et d’une dizaine pour des trajets reliant des métropoles.
Notre partenariat avec Bell sur le système de propulsion de son projet de taxi aérien nous place au rang des précurseurs dans le domaine. Pour ce véhicule, dont la mise en service est envisagée pour le courant de la prochaine décennie, Safran Electrical & Power et Safran Helicopter Engines travaillent ensemble sur un Système de Propulsion Hybride Electrique (SPHE).
La première application de ce système, le Nexus, a été officiellement dévoilé par Bell au Consumer Electronics Show (CES) de Las Vegas le 7 janvier dernier : ce moment important pour le secteur représente une étape-clé dans notre partenariat, qui permet à Safran de monter en compétences rapidement sur les systèmes propulsifs hybrides afin de nous positionner en leader du marché à l’horizon 2025.
Plusieurs axes doivent guider nos travaux. En premier lieu, une montée en compétence dans le domaine de la production d’énergie électrique, et notamment dans celui des turbogénérateurs. En complément des travaux réalisés en interne, nous avons pris une participation dans Turbotech. Cette startup développe une solution innovante de récupération d’énergie thermique pour augmenter la performance d’une turbomachine, avec comme première application un turbopropulseur pour l’aviation légère. Côté distribution de l’énergie, nous travaillons sur des câblages et des contacteurs adaptés aux fortes puissances. Dans ce domaine, l’intégration des activités de l’ex-Zodiac Aerospace nous offre un avantage stratégique puisqu’elle nous donne la maîtrise de toute la chaîne de distribution électrique.
Toutes ces avancées doivent bien sûr être conduites en partenariat avec l’ensemble des parties prenantes concernées : industriels bien sûr, mais aussi autorités de régulation. Car la certification des systèmes propulsifs hybrides est une condition sine qua non pour leur introduction sur le marché.
Si l’avion tout électrique n'est pas encore une réalité, l'électrification des aéronefs avance à grands pas y compris dans les fonctions de propulsion, via l'hybridation.
Rendez-vous dans deux, trois sauts technologiques pour voir voler le premier avion commercial tout électrique. Chaque saut nous permettra de gagner en performance, notamment environnementale, et de préparer la grande rupture que connaîtra après-demain le monde de l’aéronautique.
Retrouvez l’article de Stéphane Cueille sur son compte Linkedin
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- © Cyril Abad / CAPA Pictures / Safran