Interview du Commandant Clément, leader de la Patrouille de France
Lors du Salon du Bourget 2019, nous avons rencontré le Commandant Clément Racine, leader cette année de la prestigieuse Patrouille de France. L’occasion de revenir sur son parcours, la mission de la PAF et sa vision humaniste du métier de pilote de chasse.
La Patrouille de France a une mission de représentation, que cela représente-t-il pour vous, en tant que personne et en tant que militaire par rapport au public ?
Nous rentrons dans la Patrouille de France pour être ambassadeurs : notre premier rôle est de porter l’Armée de l’Air sur le devant de la scène, son expérience opérationnelle et son engagement pour la sécurité des Français. Il s’agit aussi de porter la France à l’international. Nous essayons de promouvoir l’excellence aéronautique française à travers un spectacle aérien, mais cela va bien au-delà : nous voulons créer de l’émotion, nous volons au-dessus d’endroits très importants où la symbolique est forte, afin de montrer à quel point notre drapeau de France est beau et puissant.
Nous souhaitons véhiculer au mieux cette image d’excellence. Lorsque nous nous entrainons, nous essayons d’effectuer les vols les plus parfaits possibles. C’est de cette manière que nous œuvrons, car nous sentons que l’image que nous portons au-devant de la scène nous dépasse. Nous mettons tout notre cœur et notre professionnalisme dans ce spectacle !
Combien de représentations effectuez-vous par an ?
Une cinquantaine, entre début mai et mi-octobre, en France mais aussi à l’international. Nous sommes en représentation à l’occasion de meetings aériens internationaux et d’événements politiques importants.
Pour vous, devenir leader ou membre de la PAF était-ce un objectif ?
C’était un rêve d’enfant ! Je fais partie de ceux qui sont entrés dans l’Armée de l’Air pour avoir admiré la Patrouille de France étant petits, probablement ici au Bourget. C’est le genre de rêve que vous gardez au fond de vous et que vous estimez irréalisable, puis au fur et à mesure de votre avancée au sein de l’institution, vous finissez par cocher toutes les cases nécessaires, jusqu’au jour où vous osez car c’est évidemment quelque chose que vous avez toujours eu au fond de vous. C’est ainsi que j’ai déposé mon dossier et j’ai eu la chance d’être reçu – je dis bien la chance car plusieurs facteurs de réussite entrent en jeu.
C’est la réalisation d’un rêve, une grande fierté et la volonté de tout donner, car notre présence au sein de la Patrouille dure peu de temps (entre deux à trois ans). Nous ne sommes pas là pour nous économiser, mais pour porter haut notre symbole.
Quelles étaient vos missions avant de rentrer dans la Patrouille de France ? Êtes-vous partis en opérations extérieures ?
J’étais spécialisé dans la défense aérienne, en tant que pilote de Mirage 2000-5, au prestigieux escadron de chasse des Cigognes ! J’ai beaucoup aimé cette mission, moins médiatisée en raison de la nature des conflits actuels, qui est de défendre l’espace aérien français. Contrairement à ce que l’on peut croire, ce n’est pas parce que nous sommes en Europe que nous n’avons pas besoin d’intervenir dans cet espace aérien.
J’adorais cette mission et j’espère la reprendre. Il y a ce moment, où vous êtes en bout de piste avec vos mécaniciens et votre avion prêt à décoller, vous ne savez pas quand ça va se passer, mais vous savez que quelques minutes plus tard vous serez en haute altitude à forte vitesse pour intercepter un avion, et pour un pilote de chasse c’est très exaltant ! Nous devons être prêts et mécanisés tout le temps, afin d’intervenir vite et bien. J’ai eu l’occasion de mener plusieurs missions d’interventions réelles en France, notamment d’avions de ligne en perte de communication radio. Dans un espace aérien aussi encombré que celui de la France, il faut intervenir vite, pour être sûr dans un premier temps qu’il n’y a pas de mauvaises intentions, puis aussi pour protéger les autres passagers et usagers.
J’ai eu la chance d’effectuer cette mission dans les espaces aériens baltes également à trois reprises, car l’OTAN y a dirigé des missions pour protéger et assurer la souveraineté de cet espace. J’ai aussi pris part à quatre détachements à Djibouti. Nous effectuons des missions de protection pour ce pays, ainsi que d’autres missions alentours.
Quelles sont les exigences particulières du métier de pilote, physiques et psychologiques ? Demande-t-il beaucoup de discipline personnelle ?
Je pense qu’il est nécessaire de démystifier le métier de pilote. Nous ne sommes pas des surhommes, nous ne sommes pas tous de grands sportifs avec un Pentium 1000 dans la tête ; nous sommes des gens normaux, seulement très motivés et passionnés, ce qui nous permet d’effectuer tout le travail nécessaire pour arriver à ce poste-là. Au fur et à mesure de ce parcours, vous devenez de plus en plus robuste psychologiquement car on vous a appris à gérer des situations de stress. Nous nous entrainons pour réagir de manière mécanisée, et c’est grâce à ça que, lorsque l’alerte sonne en bout de piste, nous ne nous posons pas de question. C’est grâce à cette réaction que nous gardons la tête froide et que nous pouvons réfléchir lors d’une situation compliquée à gérer.
C’est surtout grâce à cet entrainement que nous réussissons nos missions de manière sécurisée et efficace ; et c’est ce qui caractérise réellement les pilotes de l’Armée de l’Air : le travail et l’engagement sont nécessaires pour obtenir toutes nos qualifications et réussir l’entrainement, exigeant et rigoureux. C’est cette expérience qui nous forge et qui fait que nous sommes prêts à aller en opération.
Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui souhaite s’engager dans l’Armée de l’Air ou la Patrouille de France ?
Il faut s’engager par passion ! C’est ce qui fait que l’on donne tout : lorsqu’un travail est effectué avec le cœur, on s’applique plus et c’est grâce à cela que tout se déroule bien. Ce que j’ai vécu dans cette institution est fabuleux, c’est une aventure à la fois technique – nous sommes tous de grands enfants à vouloir piloter des « avions qui vont vite » – mais surtout humaine. C’est ce que nous retenons tous, lorsque nous devons tourner la page de notre carrière : à une époque où l’individualisme prend le dessus, l’aventure humaine que nous vivons dans l’Armée de l’Air nous rassemble au nom d’une cause noble et qui nous dépasse.
Que ce soit en opération extérieures ou lors d’exercices internationaux, nous vivons des choses extraordinaires. Si je dois leur dire une chose, c’est de foncer avec passion !
Quels sont vos projets d’avenir après la Patrouille de France ?
J’ai évidemment envie de revenir en escadron de chasse, mon plus grand souhait étant de commander un escadron. C’est dans la continuité de ce que je souhaitais faire, pour ensuite avoir des postes à responsabilités, le dernier étant d’être membre de l’Etat-Major afin de rester au contact de cette aviation de chasse que j’affectionne énormément. J’aimerais également gérer un peu plus tout ce qui concerne les manifestations aériennes et apporter ma pierre à l’édifice des ambassadeurs de l’Armée de l’Air, un dispositif puissant au potentiel incroyable.
Pouvez-vous nous raconter une anecdote symbolique pour vous et représentatif de l’esprit de la Patrouille de France ?
Un moment fort et singulier pour moi fut cette fameuse faute de fumée lors du 14 juillet 2018. Pour nous ce fut une faute impardonnable qui nous a profondément touchés. Même si ce n’est « que de la fumée », pour nous c’est très grave. C’est à ce moment-là que nous avons réalisé pleinement la force du groupe : tout aurait pu voler en éclat, mais malgré ce qui s’est passé nous nous sommes tous serrés les coudes, nous avons tous eu la volonté de continuer notre mission, mais également de se remettre en cause pour que cela n’arrive plus jamais.
Deux jours plus tard, nous avons défilé de nouveau sur les Champs-Elysées pour la victoire des Bleus lors de la Coupe du Monde de Football, au-dessus d’un Paris en effervescence ! Nous avions ce sentiment de revanche car nous sommes une équipe forte et soudée, et l’ascenseur émotionnel de ces deux jours est représentatif de l’aventure humaine qu’est la Patrouille de France. Parfois ça se passe mal, il faut savoir rebondir et persévérer dans le travail de groupe, pour revenir toujours plus forts… C’est là que réside ce bel esprit de cohésion français. Je me souviendrai de ce week-end toute ma vie !
Son parcours :
Baccalauréat Scientifique en 2003
CPGE de 2003 à 2005
Intégration de l’Ecole de l’Air en 2005
Brevet de Pilote de Chasse en 2009
Pilote de Mirage 2000-5
2600 heures de vol
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