Comment Safran contribue au développement des carburants durables
Dans le cadre de sa stratégie de décarbonation de l’aviation, Safran a investi en 2022 dans Ineratec, une entreprise allemande spécialisée dans la production de carburants synthétiques bas-carbone. Un an plus tard, le Groupe lui a renouvelé sa confiance à travers un nouvel investissement, permettant ainsi à la startup de poser la première pierre d’une usine de nouvelle génération à Francfort. Retour sur les enjeux d’un partenariat prometteur avec Yannick Bonnaire, Directeur de l'Innovation et Président de Safran Corporate Ventures.

Quelle est la place des carburants durables dans la stratégie de décarbonation de Safran ?
Yannick Bonnaire : Safran considère la filière des carburants durables (dits SAF*) comme un levier incontournable pour atteindre ses objectifs de décarbonation du transport aérien. Leur principal avantage par rapport à d'autres solutions, c'est qu'ils sont utilisables dans nos moteurs actuels. On parle de carburants « drop in » : ils peuvent être mélangés avec du kérosène, voire potentiellement être utilisés purs, sans que cela nécessite une modification de l'aéronef, des opérations ou de l'infrastructure logistique.
Si le Groupe n'en produit pas, il entend bien participer à leur développement. Ainsi, tous nos moteurs (avions et hélicoptères) sont certifiés pour incorporer jusqu'à 50 % de SAF. Par ailleurs, ces dernières années, Safran a multiplié les essais en vol allant jusqu'à 100 % d'incorporation de SAF dans ses moteurs et a noué un partenariat majeur en ce sens avec Total Energies en 2021.
Fort de cette expertise, Safran a participé à la préparation de l'initiative ReFuelEU Aviation lancée par la Commission Européenne en 2021. Cet accord prévoit qu'à partir de 2025 les carburants d'aviation incorporent au moins 2 % de SAF. Cette part devra ensuite augmenter tous les 5 ans pour atteindre 70 % en 2050. Cet engagement s'est traduit en 2022 par la demande faite à Safran par la Commission Européenne de prendre la tête du pilier « aviation » de l'Alliance « Renewable and Low Carbon Fuels » (RLCF), visant à déployer massivement la production de ces carburants durables pour l'aviation et le maritime en Europe.
Pourquoi le Groupe a-t-il choisi Ineratec pour investir dans cette filière ?
Yannick Bonnaire : En premier lieu, Ineratec est sans doute la startup proposant l'offre la plus avancée dans le domaine des e-SAF, des carburants durables produits à partir d'électricité bas-carbone et de CO2. Ainsi, avant même la signature de l'accord ReFuelEu Aviation, Ineratec disposait d'une feuille de route bien définie et était déjà en mesure de faire une démonstration de sa technologie.
Cette technologie innovante est justement l'une des principales raisons qui nous a poussé à investir. En effet, Ineratec travaille sur la production de SAF nouvelle génération : les carburants synthétiques aussi appelés e-fuels**. Leur procédé de fabrication est particulièrement séduisant car il permet une production de carburant potentiellement neutre en carbone utilisant non plus de la biomasse, mais de l'hydrogène et du CO2 – donc de l'électricité bas-carbone.

En outre, Ineratec se démarque au niveau de son procédé de fabrication : l'entreprise propose des unités de production modulaires et de taille réduite – celle d'un conteneur – capables de produire quelques centaines de tonnes d'e-fuels par an chacune. Elles peuvent dont être transportées facilement et être installées dans différents types d'espaces, en fonction de la disponibilité du CO2.
Ainsi, avec Ineratec, Safran entend à la fois contribuer au développement de la filière des SAF tout en répondant à ses propres besoins. Grâce à ces unités de production, Safran pourrait notamment dans le futur valoriser le CO2 émis sur ses bancs d'essais pour les transformer en carburant synthétique. Des discussions sont en cours pour contribuer à assurer les besoins en SAF du Groupe dès 2024. De même, ce partenariat constitue une véritable opportunité pour Safran de concevoir et proposer aux compagnies aériennes des offres assorties de garanties de décarbonation, nous procurant ainsi un avantage concurrentiel notable.
Les e-fuels sont convoités aussi bien par le secteur aéronautique que l'automobile et le maritime. Comment les acteurs comme Ineratec comptent-ils répondre aux besoins de ces différents secteurs ?
Yannick Bonnaire : La difficulté aujourd'hui se situe au niveau de l'approvisionnement : la production d'hydrogène vert et la quantité de CO2 exploitable restent insuffisants pour répondre aux besoins des trois secteurs.
Mais ce n'est pas une fatalité : ces investissements doivent justement permettre un développement rapide de la filière. Plus la production sera importante et plus on pourra couvrir ces besoins. Au sein de sa nouvelle usine, Ineratec prévoit ainsi une augmentation de sa production d'e-fuel dès 2024 : 2 500 tonnes par unité de production chaque année, contre 350 tonnes actuellement. Cette hausse devrait se poursuivre les années suivantes grâce à d'autres levées de fonds. Ineratec œuvre également à augmenter le rendement énergétique de son procédé de fabrication qui est actuellement de l'ordre de 55 %.
En ce sens, Safran Coporate Ventures tient un rôle particulièrement important car son action permet d'identifier les startups les plus prometteuses comme Ineratec et de mettre à leur disposition une partie des fonds (Engie New Ventures a également investi à nos côtés) pour exploiter au mieux tout leur potentiel.
Actuellement, les carburants de synthèse sont 2 à 10 fois plus chers que le kérosène classique. Leur coût élevé ne risque-t-il pas d'être un frein à leur développement et à leur démocratisation ?
Yannick Bonnaire : Ce prix élevé s'explique en partie par un manque de maturité industrielle. La part de l'électricité bas-carbone est aussi un élément clé qui peut représenter jusqu'à 80 % du coût du produit. Ce qui est certain, c'est que plus on développe et améliore l'offre, plus on sera en capacité de jouer sur les coûts. Et c'est tout le sens de notre partenariat avec Ineratec : faire bouger les lignes. Notre stratégie consiste à éprouver dès à présent des solutions, impulser une dynamique, afin d'aboutir à une démocratisation des e-fuels sur le long terme.
*SAF : Sustainable Aviation Fuels.
** Les carburants synthétiques sont produits à partir d'hydrogène conçu par électrolyse de l'eau avec de l'électricité bas-carbone ainsi que du CO2 capté dans l'atmosphère ou dans les fumées industrielles.
Le 19 avril 2023, Ineratec célébrait le lancement des travaux de sa nouvelle usine. Celle-ci bénéficie d’un emplacement particulièrement favorable : elle est implantée au sein d’une zone industrielle proche de l’aéroport de Francfort. Et ce n’est pas un hasard : un accord a été signé afin de permettre à Ineratec de récupérer le CO2 émis sur cette zone pour fabriquer ses e-fuels. L'implantation de cette usine contribuera donc à la décarbonation de ce site industriel.
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