Charles raconte son expérience de pompier volontaire à Mayotte
Le 14 décembre 2024, le cyclone tropical Chido frappe Mayotte de plein fouet. Le bilan est lourd : de nombreuses victimes, des habitations détruites et des infrastructures vitales endommagées. Privés d’électricité et d’eau potable, les habitants font face à une situation critique. Charles Nadeau, logisticien chez Safran Aircraft Engines à Châtellerault, ancien marin-sauveteur dans la Marine Nationale et pompier volontaire depuis 19 ans, répond à l’appel et s’envole vers Mayotte.


Un départ précipité en terre inconnue
Dans la nuit du 16 au 17 janvier, Charles Nadeau apprend que sa candidature pour porter assistance à Mayotte est retenue. Il a alors 48 heures pour préparer son départ.
Vendredi 17 janvier, 13h00 – Il pose son après-midi pour préparer ses valises. Pas de superflu : des vêtements adaptés au climat tropical, du matériel de premier secours, un nécessaire de bivouac.
Samedi 18 janvier, 5h00 – Départ de la Vienne avec six autres pompiers.
6h00, aéroport Charles de Gaulle – 200 engagés affluent de toute la France : pompiers, gendarmes, sécurité civile. Charles est l’un des rares volontaires parmi les professionnels. Il reconnaît quelques visages familiers.
17h00, Mayotte – À l’atterrissage, l’aéroport est sous haute sécurité. Charles raconte : « On est accueillis par le Contrôleur Général, pompier au grade le plus élevé, qui nous fait un briefing détaillé : contexte, climat, conditions d’intervention… ». Les équipes sont réparties par groupes. Le sien prend la route vers son hébergement temporaire, un lycée. Quelques palettes réaménagées font office de réfectoire. L’acclimatation commence.
Dimanche 19 janvier, 6h00 – Premier jour d’intervention. Direction les zones les plus sinistrées. Le constat est terrible : habitations éventrées, carcasses de voitures, amas de déchets… et pourtant, des enfants jouent dans la boue. Charles raconte : « À ce moment-là, c’est le choc : les enfants sont tous souriants, ils rigolent. Ils semblent heureux, c’est inexplicable ! »
13h00 – Priorité aux soins. Charles participe à des « aller-vers » pour recenser les blessés. Le contact se noue avec les ONG locales et les premiers soins débutent. Bandages, antiseptiques, petits soins d’urgence. Mais Charles réalise vite l’ampleur de la tragédie. Les habitants leur montrent l’étendue des dégâts. « On n’est plus dans un reportage, on est au cœur du drame. La chaleur, les odeurs, les routes impraticables… C’est un autre monde ».
Les journées s’enchaînent. Dès l’aube, le travail commence sous une chaleur accablante. Charles participe au fret aérien et maritime pour assurer la répartition de vivres et médicaments. 51 degrés sur le tarmac, la chaleur brûle la peau et épuise les corps. Avec son équipe, Charles s’attelle également à des travaux de bâchage et de sécurisation. « On protégeait à la fois les biens et les personnes. On a fait du mieux qu’on a pu avec le peu qu’on avait ! » explique-t-il.
Au fil des jours, ce qui le marque le plus, c’est la détresse des habitants. Charles et son groupe rencontrent des enfants souffrant d’infections graves.
« Nous ne pouvons pas nous empêcher de comparer leurs vies avec les nôtres. Mais eux ne pleurent pas, ne se lamentent jamais. Ils s’amusent avec les quelques ballons que je gonfle. C’est bouleversant ».
Deuxième semaine. La chaleur devient écrasante. Charles et son groupe déménagent vers Mamoudzou. 40 degrés dans un gymnase surpeuplé, deux ventilateurs pour 60 hommes. « Le physique commence à être atteint. Les missions s’enchaînent, de 6h00 à 14h00. L’après-midi, nous sommes parfois rappelés en urgence ». Le rythme est intense, mais il faut tenir.

Un dernier au revoir… et un cri du cœur
Dernière mission marquante. L’équipe se rend dans un bidonville oublié des secours. Accès difficile, terrain accidenté. Ce qu’ils trouvent est bouleversant : familles isolées, enfants dénutris, abris de fortune démolis. Pourtant, tous chantent et dansent pour les remercier. Many, un référent d’ONG, craque : « Ce que vous voyez, racontez-le. Faites-vous les porte-parole de Mayotte », Charles se remémore un moment d’émotion indescriptible.
Jeudi 6 février, 5h00 – Fin de mission. Les équipes doivent repartir. À l’aéroport, le cœur est lourd. De retour en métropole, Charles mettra une semaine à récupérer physiquement et assimiler ce qu’il a vécu.
« J’étais préparé physiquement et mentalement, ça m’a permis de mettre le plus grand des cœurs dans cette mission. Si c’était à refaire, je repartirais sans hésiter », conclut-il.
Grâce à une convention signée entre Safran Aircraft Engines et les Services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) de Vienne et de Tours, Charles a pu partir en mission avec 15 jours de congé accordés. « C’est une goutte d’eau dans l’océan, mais une goutte qui compte quand même ! », conclut Charles.
- Les cartes sont disponibles sous la licence Open Database Licence.
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